Les perturbateurs endocriniens : invisibles, mais omniprésents !

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Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques capables d’avoir une influence sur notre système hormonal. Leur rôle dans le développement de nombreuses pathologies, notamment l’infertilité et certains cancers, a été prouvé à travers les centaines d’études scientifiques réalisées depuis qu’on a découvert leur existence dans les années 1970 (bien qu’on ait soupçonné l’implication de molécules hormono-mimétiques dans la diminution de la fertilité masculine dans les pays industrialisés dès les années 1950).

L’identification des perturbateurs endocriniens, l’évaluation précise de leurs effets sur la santé et le rôle qu’ils jouent dans le développement de certaines maladies représentent aujourd’hui un enjeu majeur en matière de santé publique.

Qu’est-ce que le système endocrinien ?

Le système endocrinien est un ensemble d’organes ou « glandes » (thyroïde, pancréas, ovaires, testicules, glandes surrénales…) qui sécrètent des hormones (hormones thyroïdiennes, insuline, œstrogènes, testostérone, cortisol…). Ces dernières sont des substances libérées dans le sang pour être transportées vers des organes situés à distance, elles vont se fixer sur leurs récepteurs spécifiques et produire un effet déterminé (croissance, régulation de la glycémie, développement des organes sexuels, processus de reproduction, modifications hémodynamiques…).

Le système endocrinien, ou système hormonal est donc un moyen de communication entre les différents organes de notre corps. Il permet de coordonner un grand nombre de fonctions biologiques et participer ainsi à l’homéostasie de l’organisme, c’est-à-dire au maintien de son équilibre physiologique.

Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un perturbateur endocrinien est « une substance ou un mélange étranger à l’organisme capable d’altérer le fonctionnement du système endocrinien et d’induire des effets néfastes sur la santé d’un organisme intact, de sa progéniture ou au sein de (sous)-populations ».

Cette définition de l’OMS a par la suite été adoptée par de nombreux acteurs de la communauté scientifique, dont ceux de l’Union européenne.

En influant sur la communication entre les glandes et les organes cibles (organes, tissus, cellules), les perturbateurs endocriniens sont capables d’altérer toutes les grandes fonctions de l’organisme humain (ou animal) telles que la reproduction, la croissance, les fonctions cognitives…

Comment agissent les perturbateurs endocriniens ?

Ils peuvent agir selon plusieurs mécanismes :

  • Effet mimétique : un perturbateur endocrinien peut imiter la structure d’une hormone, il est donc capable d’entrainer une réponse similaire à celle de l’hormone en question après sa fixation sur son récepteur.
  • Antagonisme : un perturbateur peut se fixer sur le récepteur spécifique à une hormone. Ainsi, cette dernière ne sera plus capable d’exercer sa fonction de messager.
  • Perturbation du métabolisme des hormones :  certains perturbateurs endocriniens influent sur la production ou la dégradation de certaines hormones. L’équilibre des concentrations hormonales s’en trouve rompu et les effets néfastes apparaissent.
  • Perturbation du transport des hormones : certaines hormones circulent librement dans le sang, d’autres doivent se lier à des protéines transporteuses pour atteindre leurs cibles. Les perturbateurs endocriniens peuvent empêcher la liaison des hormones sur ces protéines et ainsi entraver leur transport.

Quel est leur impact sur la santé ?

L’impact sur la santé peut apparaître plusieurs dizaines d’années après l’exposition aux perturbateurs endocriniens, voire apparaître chez les descendants.

Voici quelques-uns de leurs effets sur certaines grandes fonctions de l’organisme :

  • La reproduction : ils perturbent la maturation sexuelle et le développement des organes de la reproduction. Cela peut prendre la forme d’une puberté précoce, ou au contraire un retard pubertaire, des malformations au niveau des organes génitaux (malformation de l’utérus, des gonades…), le développement de cancers hormonodépendants (cancer du sein, de la prostate…) …
  • La croissance et le développement : la période de croissance de l’enfant est sous le contrôle des hormones. Les perturbateurs endocriniens peuvent donc perturber cette phase et entrainer diverses pathologies telles que le retard de croissance staturopondéral.
  • L’environnement interne : altération de l’environnement interne de l’organisme, notamment par des modifications de la pression artérielle, un déséquilibre en électrolytes, un déséquilibre acido-basique…
  • Le métabolisme énergétique : déséquilibre glycémique.

Sources des perturbateurs endocriniens : où les trouve-t-on ?

Les perturbateurs endocriniens sont partout ! Dans l’air que nous respirons, l’eau et les boissons que nous buvons, les aliments que nous consommons, les vêtements que nous portons, les produits cosmétiques que nous utilisons…

Une grande partie des perturbateurs endocriniens dont nous subissons les effets néfastes sont d’origine alimentaire. Les pesticides et les composants des emballages représentent les principales sources de contamination par ces « xénohormones ».

L’exposition épisodique ou occasionnelle à des perturbateurs endocriniens ne représente théoriquement pas de risque, car l’organisme est capable de les dégrader et de s’en débarrasser assez rapidement. C’est en fait l’exposition prolongée, ou des expositions répétées à ces substances qui entretient une imprégnation permanente responsable du dérèglement du système endocrinien.

Afin de pouvoir limiter son exposition aux perturbateurs endocriniens, il est nécessaire de connaître leurs sources dans la vie quotidienne :

  • Les aliments : la majorité des pesticides utilisés en agricultures (fongicides, herbicides, insecticides) sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens. Ainsi, les fruits, les légumes et les céréales contaminés que nous consommons représentent une source majeure d’imprégnation.

Dans le règne animal, les perturbateurs endocriniens se bioconcentrent tout au long de la chaine alimentaire, du sommet à la base. Ainsi, les poissons gras (qui sont tout en bas de la chaine alimentaire) sont particulièrement concentrés en ces substances nocives.

Par ailleurs, certains additifs alimentaires, tels que les parabènes (E215, E218, E219…) utilisés en agroalimentaire comme conservateurs pour leurs propriétés antibactérienne et antifongique, représentent une importante source de contamination.

  • L’eau : l’eau du robinet contient des perturbateurs endocriniens tels que des traces d’hormones (issues de médicaments), du bisphénol A et du plomb qui entrent dans la composition des canalisations.
  • Les produits cosmétiques : les parabènes et les phtalates sont des composés chimiques qui sont utilisés comme conservateurs dans environ 80% des produits cosmétiques et d’hygiène (crèmes, shampooings, mousse à raser, laque, déodorants, vernis à ongles…).
  • Certains médicaments en vente libre : les antalgiques simples tels que le paracétamol ou l’aspirine diminuent la production de la principale hormone sexuelle masculine, la testostérone. C’est le constat qu’ont fait des chercheurs de l’Inserm. Ces médicaments font donc partie de la liste des perturbateurs endocriniens.

D’autre part, les phtalates, qui sont des perturbateurs endocriniens, entrent dans la composition de dizaines de spécialités pharmaceutiques autorisées en France.

  • Les produits d’entretien : les détergents et autres produits d’entretien contiennent des composés perfluorés identifiés comme perturbateurs endocriniens. Ces derniers peuvent nous contaminer par contact avec la peau ou par inhalation.
  • Les revêtements : les peintures, les enduits ou autres revêtements comportent des solvants, des phtalates ou des composés perfluorés. Les moquettes, les coussins, les tapis et autres éléments d’intérieur contiennent des perturbateurs endocriniens tels que les composés polybromés (utilisés comme retardateur de flamme), et des composés perfluorés (entrant dans la composition des substances antitaches).
  • Les appareils électroniques : ils contiennent des composés bromés libérés par la chaleur.
  • Les ustensiles de cuisine : le revêtement des poêles et casseroles antiadhésives contient des composés perfluorés. Certains récipients en plastique renferment également des perturbateurs endocriniens tels que les phtalates.
  • Les jouets d’enfants : ceux-ci, ainsi que certains articles en plastique souple de puériculture, contiennent des phtalates ou des substances de substitution. Ils représenteraient un risque de perturbation endocrinienne pour les enfants lorsque ces derniers les mettent en bouche.
  • Les vêtements : lors de leur fabrication, les vêtements sont imprégnés de diverses substances chimiques dont certaines ont une action de perturbateur endocrinien.
  • Les véhicules : la matière des sièges, les housses, les huiles lubrifiantes, le liquide de freinage… Tous ces éléments sont des sources de perturbateurs endocriniens.
  • Au travail : les professions qui impliquent l’utilisation de produits chimiques tels que les solvants, les pesticides et les détergents exposent fortement aux effets néfastes des perturbateurs endocriniens.

Perturbateurs endocriniens : comment s’en protéger ?

La gestion du risque lié aux perturbateurs endocriniens doit faire l’objet de politiques strictes à l’échelle internationale. Sans cela, nous et nos descendants en subirons malheureusement les effets néfastes.

Néanmoins, il est possible de limiter au maximum notre exposition quotidienne à cette menace invisible. Pour ce faire, voici quelques mesures à adopter :

  • Éviter les produits alimentaires emballés dans des matières plastiques, le verre est nettement plus recommandé.
  • Éviter de faire chauffer de la nourriture dans des assiettes en plastique.
  • Limiter la consommation de poisson gras à deux fois par semaine maximum.
  • Laver à grande eau les fruits et légumes avant de les consommer.
  • Privilégiez les fruits, légumes et céréales bio.
  • Éviter d’utiliser excessivement les produits cosmétiques, ou privilégier ceux qui ne contiennent pas de perturbateurs endocriniens en prenant le temps de bien lire leur composition.
  • Préférer une petite serviette imbibée d’eau savonneuse aux lingettes, surtout en cas d’utilisation chez les petits enfants.
  • Aérer son intérieur au moins une vingtaine de minutes quotidiennement pour renouveler l’air.
  • Laver les vêtements neufs avant de les porter.
  • Éteindre et débrancher les appareils électroniques après l’utilisation et ne pas les garder en mode veille pour éviter la libération des composés bromés.
  • Bien se protéger lors de l’utilisation de produits d’entretien en portant des gants, un masque, des lunettes de sécurité…
  • Éviter l’automédication.

Les informations présentées sur ce site n’ont pas pour objectif de se substituer à un traitement ou aux conseils d’un médecin, ou d’un spécialiste et doivent de préférence être envisagés sur des recommandations personnalisées.

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